• 7 mai 2022

FINAL DAY – Mondial Class A 2022

FINAL DAY – Mondial Class A 2022

FINAL DAY – Mondial Class A 2022 957 640 Emmanuel Dodé

Jour de finale en ce vendredi avec une météo possiblement capricieuse…

Après avoir connu 3 jours de vent impraticables durant la semaine, les facéties du vent texan prévoyaient un vent léger voire trop léger pour clore la compétition…

Toujours focus sur ma fin de compétition, je peaufine la veille et tôt le matin les réglages de mon bateau…après les conditions musclées, viennent du vent léger avec inévitablement un certains nombres de choix à faire. En lien avec mes séances de coaching, j’arbitre sur ce qui est bon et ceux sur quoi je ne pourrais plus revenir une fois sur l’eau !

Course 1 : Vent de 4 à 6 kts

Le départ est donné pour la flotte internationale dans un vent faible. Je réussis à extraire mon Class A du paquet de tête en bonne posture directement au contact des leaders. Comme régulièrement au près dans le petit temps, je suis dans la posture d’un équilibriste qui se met au service de sa monture et viser la plus grande stabilité possible et donc l’efficacité maximum. Mêlant intensité physique en éveil total sur mes sensations pour que le bateau ne s’arrête jamais de glisser. La vitesse permet dans ces conditions-là d’être plus « intelligent » quand au positionnement sur le plan d’eau et pouvoir appliquer sa stratégie.

Nous avions défini en coaching le matin même qu’il y aurait des moments d’inconfort aujourd’hui, et croyez-moi que ce fût le cas. Car dans le tout petit temps il faut se contorsionner pour positionner correctement le poids du corps tout autant que d’être à même de piloter finement l’embarcation et aussi être en mesure d’effectuer des réglages instantanément. Sans oublier d’avoir les yeux rivés sur l’environnement : les concurrents et surtout le vent, cette force qui nous permet d’avancer. Ici le moindre souffle peut faire la différence. Cette différence qui permet d’avoir un excellent classement où d’être aux oubliettes de la course.

Parfaitement impliqué dans ma course, appliqué sur la stratégie que j’avais mis en place, et en posture de la réaliser, je suis dans le match.

En bonne phase avec les oscillations fines du vent et bien placé pour gratter ce « pouième » de vent en plus, à la porte en bas du parcours à la fin du premier tour, la direction de course annonce une réduction de parcours tant le vent s’essouffle. La remontée au près qui va bien alors que j’ai passé la porte dans les 5 premiers…Toujours en phase avec ce vent du matin dans sa transition avec le vent de l’après-midi, je ressens bien ici comment le phénomène se met en place.

Finalement l’arrivée de cette course se juge à la fin du deuxième près, et termine dans un mouchoir de poche avec de nombreux concurrents dans une bataille de coques, à une belle 5ème place !

A ce moment-là, j’ai mis deux concurrents directs pour le classement final bien derrière moi.

Course 2 : Brise thermique débutante pour 6-8 kts tournant à gauche

A la recherche de sensations autour du vol au portant possiblement réalisable pour cette course, je suis un peu en retard dans ma routine de départ. Je me positionne correctement mais Hitchock avait prévu pour cette journée un scénario à rebondissements…

1 minute avant le top départ au contact serré avec les autres leaders, l’élastique de mon trapèze se détache (me demandez pas pourquoi tant cela ne m’était jamais arrivé et ne doit pas arriver et encore moins à ce moment-là !!!) et ne me permet pas de me positionner exactement comme je l’imaginais. Déconcentré dans ma procédure de lancement, je sens bien que mon bateau est trop rapide à ce moment-là. Au top départ la direction de course annonce un départ prématuré…Dans un coin de ma tête, je pense bien que c’est moi, seulement j’ai trop à faire pour fixer ce problème, et faire avancer la machine. Rapidement je perds du terrain avec une conduite inappropriée…Cerise sur le gâteau à la marque au vent au moment d’enclencher le vol, la pression n’est finalement pas suffisante est je dois me résoudre à laisser mon bateau en glisse mais clairement plus lent que le paquet de tête…Ensuite à la faveur d’un mauvais (enfin pas idéal plutôt) placement sur le parcours je vois de nombreux concurrents me dépasser…Je dois à ce moment là être dans les 20…

Bataille navale internationale…

Loin de me décourager et de me déconcentrer, je repars pour le 3ème près en reprenant les basics, centré sur mes sensations et au service de la vitesse à chaque instant, à chaque instant, que la coque au vent ne monte pas trop haut, refuser qu’elle touche l’eau, de petits réglages à la barre, à l’écoute de grand-voile, le positionnement du corps, des pieds, la balance de mon poids pour que mon engin file au vent le plus vite possible. Je passe en haut de nouveau 8ème !

Le vent plus établi, je file à fond au portant en volant pour finir cette course.

Première chose à mettre en place avant la dernière course du championnat, faire chavirer le bateau pour réparer le bateau de cet élastique si important pour la performance de mon bateau, c’est parti !

Ok c’est fait, le temps presse car les pavillons vont bientôt être hissé pour annoncé la course suivante. Au passage prendre de l’information au sujet de la course passée et bien confirmer que j’étais le fautif du départ prématuré. Ce qui signifie que je suis disqualifié pour cette course. Au tableau des scores (que je n’ai pas à ce moment là) je me doute bien que mes deux concurrents principaux sont de nouveau dans le coup voir devant moi au général provisoire (d’ailleurs l’un d’eux a même gagner la course…)

Qu’à cela ne tienne, j’enchaine en vitesse accélérée mon « activation » et mes routines de départ, la prise d’information pour la nouvelle course à venir en gardant la tête froide sur un éventuel enjeu. Je suis plutôt, à ce moment-là dans la situation de jouer au jeu de la régate et de faire la petite régate du coin entre potes sous le soleil texan.

Course 3 : Brise thermique établie pour 8-10 kts tournant à droite

Le départ va être donné, je place mon bateau proche du paquet des leaders mais pas immédiatement au contact, c’est ici inutile à cet instant. Je choisis plutôt des concurrents moins véloces, je valide bien mes repères pour pouvoir lancer parfaitement le bateau tout en respectant scrupuleusement la ligne de départ. Et de ne pas être en situation de répéter l’erreur de la course précédente.

C’est un bon départ pour la meute…

Bon départ, bien lancé, l’on voit ici les concurrents qui ne traversent pas les « molles » sans ralentir, et un par un l’écrémage qui se fait pour déterminer les leaders de la course à la première marque au vent.

Cette fois le vent est bien établi, ça passe à gauche encore mais plus pour longtemps, ça vole au portant, je passe 4ème, dans une bonne dynamique, j’envoie la séquence pour déclencher le vol !!!

Cette fois ça décolle proprement pour mon Quetzal !

Pas question de se mettre dans le foot-strap habituel car l’équilibre du bateau ne le veut pas. C’est donc un portant volant « wildthing », sans filet pour marquer au fer rouge cette avance créer au près. Et ça fonctionne bien. Patience, pas de geste inutile, juste l’essentiel afin de ne pas casser ne serait-ce qu’un peu la vitesse. Patience…

Une manoeuvre d’empannage quasiment en volant et une relance tonique, pour reprendre le vol. Parfait, je suis sur une bonne lay-line (trajectoire vers la prochaine marque de parcours), un passage hyper propre en bas en volant et poursuivant un temps mon vol pour enchainer sur le près cette fois à droite, car je le sens ça va passer à droite cette fois, et optimiser le nombre de manoeuvres (qui ralentissent la vitesse moyenne dans ce jeu de gagne terrain…). Les concurrents précédents tentent le coup à gauche, ok on verra ce que ça va donner…

A fond de droite, je me retourne ok lay-line ok voir un peu grasse, trop grasse, c’est bon c’est la droite qui passe…Feu, vol suivant, vitesse, stabilité, vas-y mon p’tit loup…

Idem au portant à fond de gauche pas trop loin, 1 seul empannage, un passage en bas propre en volant, les concurrents ont compris cette fois et ils suivent aussi à droite au près suivant, je m’arrache sur mes réglages, le couteau entre les dents, et sur ma posture, toutes mes actions pour aller vite, toujours plus vite. De nouveau fond de droite mais taillée plus courte pour profiter de la rotation lente du vent vers la droite (du fait de la rotation de la terre et du soleil…). Encore un portant dans ce mondial, profiter, faire aller vite, faire corps avec son engin, qu’il ne touche pas l’eau, car ça frotte, ça freine, non !

Ça glisse bien, anticiper ses moindres mouvements, changer la place du pied avant de quelques centimètres vers l’avant ou l’arrière pour changer clairement l’angle d’attaque du bateau (90 kgs, mât de 9mètre de haut, et 14 mètres carrés de toile) avec les vagues et le vent…C’est ça qui est bon, c’est exactement pour cela que je fais ce sport, ressentir ces petits détails dans la conduite du catamaran, et être pleinement en phase avec son engin en pleine nature…

Je savoure ma 4ème place sur cette course.

Mes deux concurrents directs sont derrière. Je ne le sais pas encore mais je réalise ici la meilleure performance de l’histoire du Class A pour un français, en me hissant à la 6ème place mondiale !!!

Pour mettre en perspective ce résultat, il faut dire que tous les pilotes dans le top 8 (sauf moi…because I have a day job) sont des professionnels de la voile. Ont, vont participé aux JO, voire ont une médaille aux JO (Darren Bundock par exemple !)

Savourer le jet d’eau qui rince le bateau et surtout cette eau fraiche qui coule sur moi et refroidis mes muscles encore chauds des efforts passés. Quel bonheur, quel pied, cet accomplissement d’avoir réussi à mettre en place tant de choses, tant de paramètres…Fier d’avoir représenté dignement la France à l’étranger et encore plus au pays où tout est possible. Non je ne suis pas venu pour participer mais bien pour réaliser une performance de haut niveau…Here We Go !!!

Remise des prix en présence du commodore du Houston Yacht Club

Et de me dire que le meilleur est encore à venir après une 9ème place mondiale en 2019 à Weymouth (UK site des Jeux de Londres 2012), et de ne pas avoir navigué depuis octobre, mais d’avoir préparé minutieusement cet événement sur le plan technique, mental et physique, tous les jours un petit peu, step by step, intensément avec obstination. Le travail finit toujours par payer.

Je voudrais ici remercier du fond du coeur tous ceux et toutes celles sans qui cette performance n’aurait pas été possible :

Ma famille en particulier Kristina, et mes enfants.

Nicolas Ducomte (prépa mentale), Olivier Scius (Team Manager), François Bonnod (Prépa physique), Eric Beylot (Prépa Technique)

Gaetan Aunette (North Sails), Antoine Joubert (Magic Marine), Scott et Barbara Anderson (Fiberfoam), Jakub Kopilowicz (Exploder)

La SRV (Société des Régates de Vannes) et Luc, son président pour ses encouragements

Ainsi que Odile Bonnod (Yoga), Adeline Chatenet (Kiné), Robert Sarzeaud (Ostéopathe), Dominique Valentine (Massage Ayurvédique), Bertrand Dumortier (Coach Voile), Armelle Mélusson (EyeMotion – Orthoptie et performance visuelle)

Sans oublier l’AFCCA (Association française de Class A) qui organisera le mondial 2023 à Toulon.

Et plus largement vous tous qui m’encouragez par vos messages qui nourrissent ce grand cercle vertueux positif : MERCI !!!

D’ici là nous pouvons nous donner rendez-vous en septembre au Lac de Garde pour l’Européen…

A très vite pour la suite

Carpe Diem

Emmanuel